Psychodermatologie  

  Description*

La psychodermatologie tente d'effacer la frontière entre l'aspect physique et le psychisme des personnes atteintes d'une manifestation cutanée chronique. Les impacts négatifs des affections telles que le psoriasis, l'acné, l'eczéma, l'alopécie et la rosacée ne se limitent pas uniquement à l'expression visuelle de la maladie, mais ces maladies chroniques affichantes provoquent également une importante détresse émotionnelle et mentale chez les patients. Par le biais de cette sous- spécialité de la dermatologie, on arrive à une compréhension biopsychosociale du contexte dans lequel la maladie cutanée évolue ; ce qui peut, indubitablement, offrir aux patients une nouvelle perspective sur leur qualité de vie.

Origine embryonnaire

La peau et le cerveau partagent une origine ectodermique embryonnaire commune. Ainsi, il n'est pas surprenant de constater que 35-40% des patients souffrant d'un trouble dermatologique chronique présentent également des symptômes psychologiques.

Impact des affections cutanées sur la vie quotidienne

L'aspect visible des affections cutanées chroniques n'est que la pointe de l'iceberg, et c'est la partie invisible des émotions qui provoque le désarroi, les sentiments de rejet et le désespoir. Les caractéristiques et les expériences de vie individuelles influencent l'attitude des patients par rapport à leur maladie. Cela conduit de nombreuses personnes à s'isoler en se retirant progressivement de la majorité des interactions sociales, ce qui engendre le cercle vicieux de la détérioration de leur état émotionnel et mental. De plus, l'incompréhension des autres et les attitudes culturelles sont des facteurs amplifiants de leur détresse. Extrêmement conscients de leur état de peau, ils préfèrent rester couverts afin d'éviter les regards et les chuchotements. Dans certains cas, ces patients sont invités à quitter des lieux publics tels qu'un centre de loisirs communautaire ou une piscine lorsque leur état cutané a été confondu avec une éruption contagieuse. Et, à chaque fois, le cercle vicieux se resserre plus étroitement autour d'eux créant des troubles anxiodépressifs. Ce sont ces stigmates et ce rejet qui renforcent leurs sentiments de détresse, d'anxiété et de baisse de l'estime de soi. La psychodermatologie peut aider ces patients à mieux se comprendre et à faire abstraction du jugement d'autrui afin de s'affirmer et de renouer avec la joie de vivre.

Impacts de la vie quotidienne sur les affections cutanées

Le stress , la dépression , l'anxiété sociale et divers autres facteurs psychosociaux peuvent déclencher ou aggraver des affections cutanées , tels que l'eczéma, le psoriasis, l'urticaire, l'acné ... Ainsi, un changement d'emploi récent, des exigences excessives de travail , des difficultés relationnelles interpersonnelles , une séparation, un deuil, la difficulté de concilier vie professionnelle et personnelle, des problèmes financiers, un déménagement, le contexte de crise sanitaire, etc... sont des exemples où on doit guérir de l'intérieur vers l'extérieur, où la souffrance psychologique se cache derrière la manifestation dermatologique.

La face cachée d'un trouble psychologique/psychiatrique

Chez les patients qui présentent un trouble obsessif compulsif, les compulsions ou TOC qui se manifestent par le lavage des mains, par exemple, produisent une irritation au niveau de la peau qui peut, a priori, être confondue avec une allergie de contact. Les patients peuvent également s'arracher compulsivement les poils et/ou les cheveux. Dans certains cas, les patients ont une croyance inébranlable au fait qu'ils soient infestés par des microorganismes , des insectes, des vers, des acariens, ou des poux . Alors ils commencent à se gratter et s'auto-infligent des lésions de grattage. D'autres peuvent éprouver le besoin morbide d'endommager leur propre corps en y provoquant délibérément des lésions afin de simuler une maladie sans viser un avantage direct.

Lorsque la peau s'emballe

Certains patients présentent des perceptions douloureuses ou de sensations bizarres, sous forme de picotements ou de brûlures. Ces sensations sont souvent localisées à un endroit ou peuvent être ressenties partout au niveau du corps, sans explication pathologique objectivable. La topographie de ces manifestations cutanées en est souvent vague et la description par le patient est imagée et de qualité imprécise. Les déclencheurs de ces sensations sont souvent reliés à des facteurs psychoaffectifs.

Classification psychodermatologique

Les intervenants en psychodermatologie traitent ces quatre grandes catégories d'affections cutanées :

  • Désordres psychophysiologiques : Dans cette catégorie le stress, les traumatismes émotionnelles et les facteurs psychosociaux néfastes amplifient la manifestation de l'éruption cutanée, tel que le psoriasis, la dermatite atopique, la rosacée, l'hyperhidrose, le lichen simplex chronique, l'urticaire, l'acné vulgaire et la dermatite séborrhéique.
  • Désordres psychiatriques primaires ; Ici les patients n'ont pas des problèmes cutanées à la base. Ce sont des lésions auto-infligées, donc secondaires à un trouble psychologiques. Cette catégorie comprend la parasitose délirante, les excoriations névrotiques, l'acné excorié , les troubles du spectre obsessionnel compulsif tels que la trichotillomanie, le trouble factice., la boulimie et l'anorexie Il est à noter que la majorité de ces patients ne réalisent pas avoir un trouble psychiatrique à l'origine des affections de la peau et sont très réticents à consulter un professionnel de la santé mentale.
  • Désordres psychiatriques secondaires : Les patients faisant partie de cette catégorie développent des troubles psychologiques tributaires à leur affection dermatologique. L'aspect inesthétique causée par certaines maladies de peau ont un impact significatif sur le bien-être psychologique du patient. Les patients se sentent souvent mal à l'aise lorsqu'il s'agit de discuter de l'impact psychosocial négatif ; le rôle du dermatologue devient primordial afin d' aborder la composante psychologique.
  • Syndromes cutanées sensoriels: Il s'agit des affections caractérisées par des sensations désagréables au niveau de la peau : des picotements, des démangeaisons, des brûlures au niveau de la langue, des organes génitaux féminins ou du cuir chevelu ou un prurit non spécifique. Il n'y a pas d'évidence organique apparente.

Traitement

Le traitement en psychodermatologie repose sur diverses techniques de psychothérapie en combinaison, au besoin, avec une pharmacothérapie ciblée.

Les principales techniques de psychothérapie sont : la thérapie cognitivo-comportementale, psychodynamique, humaniste, interactionnelle,l'hypnose etc.En ce qui concerne le recours à la prescription des médicaments, l'arsenal est très vaste et doit être utilisé parcimonieusement, uniquement en cas de besoin : antidépresseurs, anxiolytiques, antihistaminiques, etc...

Conclusion

Ainsi, les principaux objectifs de la psychodermatologie sont d'étudier les impacts émotionnels que l'état de la peau d'un patient peut engendrer afin de l'aider à les surmonter et à réduire les menaces associées. L'ultime but est d'aider le patient à développer des mécanismes adaptatifs pour savoir comment réagir lorsqu'une récidive se produira.

Rôle des intervenants

Une approche multidisciplinaire spécifiquement adaptée à chaque patient, mettant l'accent sur l'amélioration de la qualité de vie, est essentielle pour une prise en charge globale du patient. Selon plusieurs sondages, les dermatologues seraient peu formés dans le traitement des patients ayant des désordres psychodermatologiques. De plus, le manque d'introspection de la part du patient pour reconnaître l'aspect psychologique sous-jacent de sa maladie de peau et le refus de consulter un professionnel de la santé mentale représentent des obstacles majeurs à l'amélioration de leur état de santé.

* Source : avec la  permission de Dr Mohammad Jafferany, professeur de psychodermatologie, psychiatrie et sciences comportementales au Central Michigan University , aauteur de "Handbook of Psychodermatology-Introduction to Psychocutaneous Disorders" , Springer Nature Switzerland AG 2022


Publications  Scientifiques dans le domaine de la psychodermatologie

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Aspects psychiatriques et psychologiques des maladies cutanées chroniques

Rachel Christensen, Mohammad Jafferany (mars 2023)

Points clés : Les maladies cutanées chroniques peuvent avoir un impact considérable sur le bien-être physique, psychologique et social d'un patient. Les médecins peuvent jouer un rôle essentiel dans l'identification et la prise en charge des séquelles psychologiques des affections cutanées chroniques les plus courantes.

 L'acné, la dermatite atopique, le psoriasis, le vitiligo, la pelade et l'hidradénite suppurée sont des maladies dermatologiques chroniques qui exposent les patients à un risque élevé de symptômes de dépression, d'anxiété et de diminution de la qualité de vie. Des échelles générales et spécifiques à la maladie existent pour évaluer la qualité de vie des patients atteints d'une maladie cutanée chronique, la plus courante étant l'indice de qualité de vie dermatologique.

L'approche générale de prise en charge du patient atteint d'une maladie cutanée chronique doit intégrer la reconnaissance et la validation des luttes du patient, l'éducation du patient sur l'impact potentiel de la maladie et le pronostic ; prise en charge médicale des lésions dermatologiques ; coaching sur la gestion du stress; psychothérapie. Les psychothérapies comprennent la thérapie par la parole (c.-à-d. la thérapie cognitivo-comportementale), les thérapies réduisant l'excitation (c.-à-d. la méditation, la relaxation) et les thérapies comportementales (c. Une meilleure compréhension, identification et prise en charge des aspects psychiatriques et psychologiques des affections cutanées chroniques les plus courantes par les dermatologues et autres prestataires de soins de santé peut avoir un effet positif sur les résultats des patients.

Concepts en psychodermatologie : un aperçu pour les fournisseurs de soins primaires                                                                                                     Points clés :1 La psychodermatologie relie les soins primaires, la dermatologie, la psychiatrie et la psychologie.                                                                     2 Une formation en soins primaires, en dermatologie et en psychiatrie est nécessaire en psychodermatologie pour améliorer les résultats pour les patients.                                                                                                                                                                                                                                              3 Des équipes multidisciplinaires sont nécessaires pour obtenir les meilleurs résultats pour les patients.                                                                                  4. Le dépistage des affections psychiatriques courantes, telles que l'anxiété et la dépression, doit être objectivement effectué à l'aide de questionnaires standard auprès de patients atteints de troubles cutanés.                                                                                                                                                         5. Plusieurs psychothérapies peuvent être utilisées dans le traitement, y compris la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie par rétroaction biologique, l'hypnose et la thérapie de groupe.                                                                                                                                                                               6.Les interventions non pharmacologiques sont des adjuvants de réduction du stress qui peuvent améliorer l'efficacité des thérapies standard..Il s'agit notamment de la formation à la relaxation et de la psychoéducation.                                                                                                                                       7. Les IPS sont bien placés pour identifier les patients atteints de troubles psychodermatologiques et orienter les patients vers les services appropriés,de préférence en utilisant une approche interprofessionnelle.                                                                                                                                                 8.Parmi les patients atteints d'affections cutanées chroniques défigurantes, la prévalence des troubles psychiatriques est de 30 % à 40 %
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